Présentation

Le Sacré et le Profane
 
   « Tu reconnaîtras les rites sacrés que j'ai exhumés de nos antiques annales […]. »
   Ovide, Les Fastes.
 
   Pour Ovide, les annales étaient « antiques », et les rites sacrés « exhumés », comme si déjà il était nécessaire d'entreprendre des fouilles archéologiques pour les retrouver et en comprendre le sens.
   Le rapport de l'homme au sacré à travers les âges et les cultures ne cesse de m’interroger. Exotique en regard de mon éducation essentiellement profane, c'est par le truchement de ma pratique que j'ai choisi d'appréhender ce mode d'être au monde.
 
   Mythes, rites et symboles archaïques m'introduisent dans le domaine des croyances. Alors que l'expérimentation de pratiques parfois qualifiées d'ésotériques m'oblige à me délaisser de mes oripeaux de commentateur, pour endosser ceux nettement moins confortables de l'acteur.
 
   À en croire Mircea Eliade : « Les modernes son incapables d'expérimenter le sacré dans leurs relations avec la Matière ; ils peuvent, tout au plus, avoir une expérience d'ordre esthétique. » (Forgerons et alchimistes)
 
   En m'attachant à éprouver ce mode d'être au monde, c'est précisément cette ''expérience d'ordre esthétique'' que je cherche, et ce peut-être en vain, à dépasser.
 
             Jérémy Bracone
 
    D'une manière ou d'une autre, l'avènement de la modernité et de tout son attirail de nouveautés sonne le glas de ces visions du monde diverses, primitives, animistes, quel que soit le nom qu'on voudra leur donner. Le reflux intéressant de ce courant central de l'histoire, c'est que tout comme ces visions du monde ''primitives'' disparaissant dans l'arrière-pays de la nouvelle globalisation, elles reprennent racine dans son centre. Pour les classes moyennes urbaines, déjà saturées des gadgets de la modernité et mortellement ennuyées par la perte de sens que ceux-ci semblent entraîner, le chamanisme, le vaudou, la sorcellerie, toutes ces choses primitives, semblent brusquement extrêmement attirantes. Voilà un entrecroisement historique des plus intéressants. Pour ceux qu'on appelle les primitifs, marginalisés, et généralement impuissants, la promesse du monde moderne, ce sont les choses, la facilité et la sécurité. Pour les soi-disant modernes, la promesse du monde primitif, c'est justement cette chose dont ils manquent – le sens. La ruée primitive vers la modernité et la ruée moderne vers le primitif représentent l'un des aspects incongrus mais reconnus du paysage culturel actuel dans notre monde. Et beaucoup d'entre nous passons notre vie à faire la traversée.
 
           Graham Townsley, Kamaroa.